Publié : 11/11/2016 8:49
Une histoire au Groenland.
par "Le chien de Spinoza"
Je m’inspire pour l’histoire qui suit d’une réelle observation que fit Jean Malaurie, ethnologue français, lors de son voyage au Groenland, à Thulé, en 1950.
Imaginez que vous soyez au Groenland. Seul, vous explorez des lieux des plus divers, à la recherche de l’inconnu. Imaginez maintenant, comme cela arrive occasionnellement, que vous vous soyez perdu. Difficile de se réorienter dans un tel paysage, tout semble si lointain. Vous marchez donc de longues heures dans une direction incertaine, quand vous tombez enfin sur une tribu autochtone : vous êtes chez les Inuits. Vous ne parlez pas la langue ni eux la vôtre. Mais ils sont humains et comprennent assez vite que vous avez besoin d’aide. Ils vous accueillent donc chez eux, tout naturellement. Le premier soir, vous êtes invité à manger avec le chef de la tribu. De nombreux individus de la tribu sont là, intrigués par votre personne. Vous sentez être le centre d’intérêt de la soirée. Dans la même pièce que le chef et bien d’autres personnages, vous attendez l’arrivée des repas. Votre journée ayant été longue, vous vous sentez que vous vous êtes légèrement enrhumé. L’envie vous prend soudain de tousser. Naturellement, vous toussez, avec la main droite devant la bouche, politesse l’impose. Mais au moment où vous toussez, quelque chose d’étrange se passe : tous vous regardent d’un air différent, comme si vous aviez fait quelque chose qu’il ne fallait pas. Vous n’êtes cependant pas sûr de ce que vous voyez. Une nouvelle envie de tousser vous prend et vous toussez, toujours avec la main devant la bouche. La situation devient encore plus étrange : il y a de l’agitation dans la pièce, le chef paraît être plus tendu. Vous comprenez donc que vous faites quelque chose qu’il ne faut pas. L’envie de tousser ne vous quitte pas. Vous avez fait le lien, mais sans plus. Vous essayez alors de tousser moins fort, en vous disant peut-être que c’est la manière locale. Aucun changement, l’agitation continue. Vous vous dites alors que vous devriez peut-être vous éloigner de la table. Vous vous retournez pour tousser, mais rien à faire, une colère collective se fait sentir, le chef dit quelque chose que vous ne comprenez pas, mais sur un ton assez menaçant…
Comment vous sentiriez-vous dans une telle situation? Car c’est ainsi que se sentent la majorité des chiens lorsqu’ils sont réprimandés pour des comportements naturels qu’ils tiennent, c’est-à-dire pour la quasi totalité de leurs comportements ! On croit le savoir trop bien, mais on l’oublie très souvent : un chien n’agit que selon sa nature, toujours et nécessairement. Tout comme pour vous il est naturel de tousser lorsque le besoin vous prend, il est naturel au chien d’aboyer, de « détruire » ou d’uriner lorsque le besoin le prend. Tout comme il vous aurait été étrange de vous faire réprimander pour avoir toussé à table, il est étrange pour le chien de se faire réprimander pour ses comportements. Chez ces Inuits, vous auriez sans doute voulu un traducteur ou, à défaut, quelqu’un qui puisse essayer de vous faire comprendre les choses. Chez ces Inuits, dis-je, vous auriez sans doute aimé trouver quelqu’un qui prenne le temps d’essayer de vous faire comprendre les choses. Quoi, vous n’avez toujours pas compris pourquoi les Inuits vous en auraient voulu de la sorte? Rassurez-vous, Jean Malaurie décrit ces personnages d’une manière bien plus respectables que ce que j’ai dû faire ici - après tout, je me devais d’illustrer une idée. La raison était toute simple : vous aviez mis la main droite devant la bouche ! Et donc? La main droite, je vous dis. Non, toujours pas? Mais enfin, n’est-ce pas avec la main droite que l’on va saluer autrui? Comment oser utiliser cette même main pour récupérer ce que notre corps tente d’éliminer? Voilà qui semble manquer de manières ! Voilà qui semble impardonnable ! Mais pour qui? Pour les Inuits, certainement, eux qui connaissent bien tout ça. Et pour vous? C’est plus délicat. Disons peut-être. Peut-être si on vous avait fait comprendre les choses plus clairement, sans s’énerver inutilement face à la moindre erreur. Vous vous seriez senti moins bête, après tout. Eh bien, il en va exactement de même avec les chiens. Eux aussi attendent de nous que nous nous fassions comprendre, clairement et calmement, sans nous mettre dans tous nos états sans raison ou, ce qui revient au même, sans raison valable pour eux. Pensez-y la prochaine fois que vous voudriez réprimander votre chien pour un comportement qui vous paraît inadmissible !
par "Le chien de Spinoza"
Je m’inspire pour l’histoire qui suit d’une réelle observation que fit Jean Malaurie, ethnologue français, lors de son voyage au Groenland, à Thulé, en 1950.
Imaginez que vous soyez au Groenland. Seul, vous explorez des lieux des plus divers, à la recherche de l’inconnu. Imaginez maintenant, comme cela arrive occasionnellement, que vous vous soyez perdu. Difficile de se réorienter dans un tel paysage, tout semble si lointain. Vous marchez donc de longues heures dans une direction incertaine, quand vous tombez enfin sur une tribu autochtone : vous êtes chez les Inuits. Vous ne parlez pas la langue ni eux la vôtre. Mais ils sont humains et comprennent assez vite que vous avez besoin d’aide. Ils vous accueillent donc chez eux, tout naturellement. Le premier soir, vous êtes invité à manger avec le chef de la tribu. De nombreux individus de la tribu sont là, intrigués par votre personne. Vous sentez être le centre d’intérêt de la soirée. Dans la même pièce que le chef et bien d’autres personnages, vous attendez l’arrivée des repas. Votre journée ayant été longue, vous vous sentez que vous vous êtes légèrement enrhumé. L’envie vous prend soudain de tousser. Naturellement, vous toussez, avec la main droite devant la bouche, politesse l’impose. Mais au moment où vous toussez, quelque chose d’étrange se passe : tous vous regardent d’un air différent, comme si vous aviez fait quelque chose qu’il ne fallait pas. Vous n’êtes cependant pas sûr de ce que vous voyez. Une nouvelle envie de tousser vous prend et vous toussez, toujours avec la main devant la bouche. La situation devient encore plus étrange : il y a de l’agitation dans la pièce, le chef paraît être plus tendu. Vous comprenez donc que vous faites quelque chose qu’il ne faut pas. L’envie de tousser ne vous quitte pas. Vous avez fait le lien, mais sans plus. Vous essayez alors de tousser moins fort, en vous disant peut-être que c’est la manière locale. Aucun changement, l’agitation continue. Vous vous dites alors que vous devriez peut-être vous éloigner de la table. Vous vous retournez pour tousser, mais rien à faire, une colère collective se fait sentir, le chef dit quelque chose que vous ne comprenez pas, mais sur un ton assez menaçant…
Comment vous sentiriez-vous dans une telle situation? Car c’est ainsi que se sentent la majorité des chiens lorsqu’ils sont réprimandés pour des comportements naturels qu’ils tiennent, c’est-à-dire pour la quasi totalité de leurs comportements ! On croit le savoir trop bien, mais on l’oublie très souvent : un chien n’agit que selon sa nature, toujours et nécessairement. Tout comme pour vous il est naturel de tousser lorsque le besoin vous prend, il est naturel au chien d’aboyer, de « détruire » ou d’uriner lorsque le besoin le prend. Tout comme il vous aurait été étrange de vous faire réprimander pour avoir toussé à table, il est étrange pour le chien de se faire réprimander pour ses comportements. Chez ces Inuits, vous auriez sans doute voulu un traducteur ou, à défaut, quelqu’un qui puisse essayer de vous faire comprendre les choses. Chez ces Inuits, dis-je, vous auriez sans doute aimé trouver quelqu’un qui prenne le temps d’essayer de vous faire comprendre les choses. Quoi, vous n’avez toujours pas compris pourquoi les Inuits vous en auraient voulu de la sorte? Rassurez-vous, Jean Malaurie décrit ces personnages d’une manière bien plus respectables que ce que j’ai dû faire ici - après tout, je me devais d’illustrer une idée. La raison était toute simple : vous aviez mis la main droite devant la bouche ! Et donc? La main droite, je vous dis. Non, toujours pas? Mais enfin, n’est-ce pas avec la main droite que l’on va saluer autrui? Comment oser utiliser cette même main pour récupérer ce que notre corps tente d’éliminer? Voilà qui semble manquer de manières ! Voilà qui semble impardonnable ! Mais pour qui? Pour les Inuits, certainement, eux qui connaissent bien tout ça. Et pour vous? C’est plus délicat. Disons peut-être. Peut-être si on vous avait fait comprendre les choses plus clairement, sans s’énerver inutilement face à la moindre erreur. Vous vous seriez senti moins bête, après tout. Eh bien, il en va exactement de même avec les chiens. Eux aussi attendent de nous que nous nous fassions comprendre, clairement et calmement, sans nous mettre dans tous nos états sans raison ou, ce qui revient au même, sans raison valable pour eux. Pensez-y la prochaine fois que vous voudriez réprimander votre chien pour un comportement qui vous paraît inadmissible !